jeudi 24 mars 2016



Expéditeur: Fides News Fr <fidesnews-fr@fides.org>
Date: 23 mars 2016 14:09:28 

EUROPE/ITALIE - 24 mars, Journée des Missionnaires martyrs, « femmes et hommes de miséricorde »
Rome (Agence Fides) – Depuis 1993, à l'initiative du Mouvement juvénile missionnaire des Œuvres pontificales missionnaires en Italie, le 24 mars de chaque année est célébrée la Journée de prière et de jeûne en mémoire des Missionnaires martyrs. Le 24 mars 1980 fut assassiné le Bienheureux Oscar Arnulfo Romero, Archevêque de San Salvador, béatifié le 23 mai 2015 et, en cette Journée annuelle de prière et de jeûne, il est fait mémoire de ceux qui, de par le monde, ont versé leur sang pour l'Evangile. Cette année, la Journée coïncide avec le Jeudi Saint, ce qui fait que les communautés pourront la célébrer également à une autre date considérée comme plus opportune. La Journée est désormais célébrée dans différents pays du monde, promue par des Diocèses, des Instituts religieux et des réalités missionnaires.
Dans le cadre du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde que nous vivons actuellement, la Journée 2016 a pour thème « femmes et hommes de miséricorde ». Ainsi que l'écrit le Père Michele Antuoro, Directeur de Missio Italia, « ce sont eux qui ont su vivre la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les mots du Prophète : porter une parole et un geste de consolation aux pauvres, annoncer la libération à ceux qui sont prisonniers des nouveaux esclavages de la société moderne, restituer la vue à ceux qui ne parviennent plus à voir parce que courbés sur eux-mêmes et restituer à ceux qui en ont été privés » (Misericordiae Vultus). Jésus est le Visage de la Miséricorde du Père. En Lui, les visages du Père Andrea Santoro, du Bienheureux Mgr Oscar Romero, du Bienheureux Père Sandro Dordi… et de tant d'autres qui, comme les pièces d'une mosaïque, composent et nous révèlent l'icône d'un Père riche de miséricorde ».
Le matériel préparé pour l'animation de la Journée, téléchargeable à partir du site Internet de Missio Italia, comprend une réflexion théologique sur le thème de la Journée, les profils de quatre missionnaires assassinés, la liste des missionnaires tués en 2015 et un certain nombre d'esquisses de prière pour un Chemin de Croix, une liturgie pénitentielle, la Lectio, une Veillée de prière et une Adoration eucharistique. (SL) (Agence Fides 23/03/2016)

samedi 19 mars 2016

«Notre Église est une Église de martyrs», par Mgr Gallagher



Expéditeur: ZENIT <info@zenit.org>
Date: 17 mars 2016 23:06:04 UTC+2





Constance Roques  |  17/03/16


La persécution, le terrorisme, l'exode des chrétiens, au risque de leur vie, la Syrie, la Libye: autant de situations tragiques, voire désespérées, abordés par Mgr Gallagher qui demande « une action énergique et concertée entre les États afin de sauvegarder les droits de l'homme, le système démocratique tout entier des pays individuels et la sécurité internationale ».
Le Secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États est intervenu lors d'une rencontre de Formation missionnaire organisée par le diocèse de Rome, samedi dernier, 12 mars 2016.
La troisième rencontre de formation missionnaire, lancée par le Centre pour la coopération missionnaire entre les Églises du diocèse de Rome, s'est tenue au grand séminaire de Rome, au Latran, sur le thème : « Notre Église est une Église de martyrs » (Pape François).
« Voici donc la position du Saint-Siège, explique Mgr Gallagher : rechercher toujours le bien de la personne et des peuples, protéger la paix et garantir le respect de la dignité de toute personne humaine et de ses droits fondamentaux, et tout ceci pour la dignité et la sauvegarde des êtres humains et non pour une simple raison d'État, ni pour défendre ses propres intérêts partisans. Pour atteindre ces finalités, le Saint-Siège s'emploie par tous ses efforts à promouvoir le dialogue avec tous les interlocuteurs disponibles, invitant les États et les autres entités à coopérer et à chercher à résoudre les conflits par des solutions politiques et diplomatiques, toujours dans le plein respect du droit international. À ceci il faut ajouter l'application du principe de la « responsabilité de protéger », dont la promotion a toujours été l'un des principes fondamentaux de l'activité internationale du Saint-Siège et a toujours fait partie de son message à la communauté des Nations. »
Voici notre traduction de la première partie de l'intervention de Mgr Gallagher.
A.B.
Intervention de Mgr Paul Richard Gallagher (1/2)
Excellence,
Chers prêtres,
Monsieur Visar Zhiti, Chargé d'Affaires a.i. de l'Ambassade d'Albanie auprès du Saint-Siège,
Chers amis,
Permettez-moi, en premier lieu, d'exprimer mes remerciements aux organisateurs de cette rencontre pour l'invitation qui m'a été faite d'y participer, que j'ai acceptée bien volontiers. Le thème « Notre Église est une Église de martyrs », choisi pour cette « session de formation missionnaire », peut certainement être considéré comme un leitmotiv qui accompagne l'Épouse du Christ depuis sa naissance. Jésus-Christ lui-même en a fait une béatitude : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,10). En effet, les martyrs représentent la grandeur de l'Église parce qu'ils ont eu le courage d'exprimer de manière totale leur dévouement et leur adhésion au Christ, témoignant au prix de leur vie de la vérité de l'Évangile.
Depuis quelques années, avec une grande inquiétude, nous assistons à un crescendo exponentiel de cas d'intolérance, de discrimination, d'extrémisme, de fondamentalisme, de risques pour les libertés individuelles, surtout en ce qui concerne la liberté religieuse et la liberté d'expression. Ensuite, nous n'oublions pas les attaques et les menaces continuelles du terrorisme de différentes origines. Ces défis, auxquels nous sommes quotidiennement exposés, requièrent une action énergique et concertée entre les États afin de sauvegarder les droits de l'homme, le système démocratique tout entier des pays individuels et la sécurité internationale.
En particulier, il me semble que je peux dire que les extrémismes et les fondamentalismes religieux de différentes provenances sont souvent à l'origine des hostilités contre les chrétiens et contre les fidèles d'autres minorités religieuses, à partir de la montée des groupes armés de souche fondamentaliste, transformés en organisations terroristes, qui compromettent sérieusement la sécurité internationale. Il faut ajouter à cela la promulgation dans certains pays de lois sur le blasphème, qui sont devenues un prétexte facile pour qui entend poursuivre les personnes qui professent un credo religieux différent de celui de la majorité. Il ne faut pas non plus oublier que dans les pays gouvernés par des régimes autoritaires ou totalitaires, on observe de graves limites imposées à la liberté religieuse. En outre, dans d'autres pays, les détenus pour motifs religieux reçoivent des traitements pires que les autres prisonniers[1]. On ne peut pas non plus ignorer le fléau du trafic illicite d'armements, ni la production et la vente d'armes de la part de sujets de droit international, qui rendent possible la prolongation des conflits. Enfin, la déstabilisation continuelle du Moyen-Orient a aggravé les violences contre les minorités religieuses, y compris les chrétiens, les contraignant quotidiennement à abandonner leur maison pour fuir les horreurs de la guerre et les persécutions.
Nous avons devant les yeux les images de nos frères désespérés qui émigrent en risquant même leur vie. L'exode forcé des chrétiens du Moyen-Orient laisse un vide dans les communautés qui risquent ainsi de disparaître. À ce sujet, les données contenues dans le Rapport récemment publié par la fondation « Aide à l'Église en détresse », ainsi que celles du Rapport 2014 sur la liberté religieuse dans le monde, édité par le Département d'État américain, sont frappantes. Dans ces documents, on observe qu'en Irak, de 2003 à aujourd'hui, le nombre des chrétiens a diminué de plus d'un million à moins de 300 000. Dans la seule ville de Mossoul, l'antique Ninive, qui représente une des communautés chrétiennes les plus anciennes, dont l'histoire remonte à plus de 1 700 ans, en une nuit (le 6 août 2014), 150 000 chrétiens ont laissé leur maison et leur village, après que tous leurs biens ont été dérobés. Aujourd'hui, dans cette ville occupée par l'État islamique, il n'y a plus de chrétiens. De même, au Nigeria, Boko Haram a forcé à fuir 100 000 chrétiens dans le seul diocèse de Maiduguri, où ont été détruites 350 églises.
En Syrie, ensuite, outre les horreurs de la guerre qui a déjà fait plus de 260 000 morts, les cas d'hostilité ne se comptent plus. Mais aussi en Libye, la situation des chrétiens est extrêmement dramatique ; en effet, à partir de 2013, la majeure partie des chrétiens ont été obligés d'abandonner le pays à cause de l'aggravation des conditions de sécurité, due à l'extrémisme religieux qui les menace de mort. En somme, nous nous trouvons devant une hémorragie incontrôlable, qui met en danger l'existence même des communautés chrétiennes[2].
C'est pourquoi, la coopération internationale devient plus que jamais urgente et nécessaire pour arrêter ces atrocités, mais aussi pour réaffirmer pleinement le droit à la liberté religieuse et condamner tout type de discrimination et d'intolérance pour des motifs religieux aux quatre coins de la terre, y  compris en Occident, où des formes de discrimination sont assez souvent avérées et apparaissent fréquemment sous l'apparence d'une soi-disant « défense des valeurs démocratiques »[3].
Dans un article paru il y a quelques mois, le président de la République italienne écrivait : « La persécution à caractère religieux n'est jamais isolée, mais elle participe de la violation féroce et systématique des libertés fondamentales de l'homme, dont le droit de professer, de prêcher, et même de changer de croyance religieuse sans devoir subir de discrimination ou carrément de violences, est un élément fondamental[4]. »
Il a déjà été affirmé plusieurs fois, et le Saint-Siège lui-même l'a redit à maintes reprises, que ce ne sont pas seulement les chrétiens qui pâtissent des discriminations, des actes d'intolérance ou des persécutions, mais aussi les autres nombreux groupes religieux, ethniques et culturels. Toutefois, loin de toute forme extrémisée d'appartenance ou d'influence idéologique, il faut aussi admettre qu'aujourd'hui les chrétiens sont le groupe religieux qui souffre le plus et qui compte le nombre le plus élevé de victimes. Sur ce point, le Saint-Père s'est exprimé clairement, déclarant que « les chrétiens sont persécutés. […] Peut-être y a-t-il autant, ou même plus, de martyrs maintenant que dans les premiers temps, parce qu'ils disent la vérité, ils annoncent Jésus-Christ à cette société mondaine, à cette société un peu tranquille qui ne veut pas de problèmes : mais c'est la peine de mort ou la prison pour avoir chez soi l'Évangile, pour avoir enseigné le catéchisme »[5].
Les hostilités contre les minorités religieuses devraient interpeller la conscience de la communauté internationale et sortir de leur torpeur tous ceux qui sont préposés à veiller sur le respect des droits fondamentaux, dont la liberté religieuse et le droit à la vie. En fait, « la compréhension la plus élémentaire de la dignité humaine oblige la communauté internationale, en particulier à travers les normes et les mécanismes du droit international, à faire tout ce qui est possible pour arrêter et prévenir les violences systématiques ultérieures contre les minorités ethniques et religieuses » et pour protéger les populations innocentes[6].
Voici donc la position du Saint-Siège : rechercher toujours le bien de la personne et des peuples, protéger la paix et garantir le respect de la dignité de toute personne humaine et de ses droits fondamentaux, et tout ceci pour la dignité et la sauvegarde des êtres humains et non pour une simple raison d'État, ni pour défendre ses propres intérêts partisans. Pour atteindre ces finalités, le Saint-Siège s'emploie par tous ses efforts à promouvoir le dialogue avec tous les interlocuteurs disponibles, invitant les États et les autres entités à coopérer et à chercher à résoudre les conflits par des solutions politiques et diplomatiques, toujours dans le plein respect du droit international. À ceci il faut ajouter l'application du principe de la « responsabilité de protéger »[7], dont la promotion a toujours été l'un des principes fondamentaux de l'activité internationale du Saint-Siège et a toujours fait partie de son message à la communauté des Nations.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
(À suivre)

[1] Cf. Aide à l'Église en détresse, Rapport annuel 2015, in http://www.aiuto-chiesa-che-soffre.ch/relazione.html ; Idem, Persecuted and forgotten? A Report on Christians oppressed for their Faith 2013-2015 (Persécutés et oubliés ? Rapport sur les chrétiens opprimés pour leur foi 2013-2015). Executive Summary; U.S Department of State, International Religious Freedom Report for 2014 (Résumé exécutif ; Département d'État des États-Unis, Rapport international sur la liberté religieuse), in http://www.state.gov/j/drl/rls/irf/religiousfreedom/index.htm#wrapper.
[2] Idem.
[3] Cf. Intervention du Saint-Siège devant la IIIe Commission sur la liberté religieuse à l'occasion de la 64e Session de l'Assemblée générale des Nations unies, New York, 26 octobre 2009 ; Intervention du Saint-Siège à la 23e session ordinaire du Conseil des droits de l'homme sur la violence contre les chrétiens, Genève, 27 mai 2013.
[4] Sergio Mattarella, « Lo sterminio dei cristiani. Come reagire a una tragedia moderna » (L'extermination des chrétiens. Comment réagir à une tragédie moderne, quotidien Il Foglio, 21 novembre 2015.
[5] Pape François, Homélie, Maison Sainte-Marthe, 4 avril 2014.
[6] Pape François, Lettre au Secrétaire général des Nations unies, 9 août 2014.
[7] Le Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, affirme, au N. 505 que : « Le principe d'humanité, inscrit dans la conscience de chaque personne et de chaque peuple, comporte l'obligation de tenir la population civile à l'écart des effets de la guerre. »




«Notre Église est une Église de martyrs», par Mgr Gallagher (2/2)

Constance Roques  |  17/03/16
Mgr Paul Richard Gallagher
« Toutes les conditions devraient être assurées aux chrétiens, en tant que citoyens d'égale dignité, pour rester sur leur terre d'origine ou pour y retourner (s'ils ont fui contre leur volonté), leur garantissant aussi le plein droit de participer à la vie publique du pays », déclare Mgr Gallagher qui demande « une action énergique et concertée entre les États afin de sauvegarder les droits de l'homme, le système démocratique tout entier des pays individuels et la sécurité internationale ».
Le Secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États est intervenu lors d'une rencontre de Formation missionnaire organisée par le diocèse de Rome, samedi dernier, 12 mars 2016.
La troisième rencontre de formation missionnaire, lancée par le Centre pour la coopération missionnaire entre les Églises du diocèse de Rome, s'est tenue au grand séminaire de Rome, au Latran, sur le thème : « Notre Église est une Église de martyrs » (Pape François).
« Je tiens à vous inviter tous à unir vos efforts en vue d'une plus grande coopération et solidarité en faveur des populations touchées par les guerres et pour tous ceux qui subissent toutes sortes d'oppression à cause de leur croyance religieuse. Notre proximité, en plus de notre prière, doit certainement se manifester dans notre générosité à vouloir contribuer à réduire l'urgence humanitaire pour soulager leurs souffrances matérielles et spirituelles », conclut Mgr Gallagher.
Voici notre traduction de la seconde partie de l'intervention de Mgr Gallagher.
A.B.
Intervention de Mgr Paul Richard Gallagher (2/2)
Toutes les conditions devraient être assurées aux chrétiens, en tant que citoyens d'égale dignité, pour rester sur leur terre d'origine ou pour y retourner (s'ils ont fui contre leur volonté), leur garantissant aussi le plein droit de participer à la vie publique du pays. Malheureusement, comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler dans une de mes précédentes interventions, « le devoir de la communauté internationale de protéger ceux qui sont concernés par des guerres, des violences, des persécutions et des violations systématiques des droits humains – sanctionnées par le droit international – ne trouve pas encore d'application effective et responsable[8] ».
Par conséquent, à maintes occasions, le pape François a dénoncé le silence « complice et honteux de tous » devant les « persécutions atroces, inhumaines et inexplicables encore existantes aujourd'hui dans de nombreuses parties du monde »[9]. En particulier, dans sa lettre envoyée le 6 août dernier à Mgr Maroun Lahham, évêque auxiliaire de Jérusalem des Latins et vicaire patriarcal pour la Jordanie, le Saint-Père a souhaité que « l'opinion publique mondiale [puisse] être quant à elle toujours plus attentive, sensible et compatissante face aux persécutions menées à l'encontre des chrétiens et, plus généralement, des minorités religieuses » ; il a demandé que « la communauté internationale ne demeure pas muette et inerte face à un tel crime inacceptable, qui constitue une dérive préoccupante des droits de l'homme les plus essentiels et empêche la richesse de la coexistence entre les peuples, les cultures et les confessions » [10].
Cela semble un paradoxe mais on dirait que les médias et la communauté internationale se sont rendu compte des atrocités perpétrées à l'encontre des chrétiens surtout après que certaines images choquantes ont circulé en réseau par les terroristes eux-mêmes. Rappelons, par exemple, le martyre des 21 chrétiens coptes en Libye, consommé il y a un an, et le meurtre des 142 étudiants chrétiens sur le campus universitaire de Garissa, au Kenya.
Malheureusement, il faut admettre que, pendant des années, la question de la violence contre les chrétiens n'a pas été prise sérieusement en considération. C'est seulement récemment que certains instances internationales ont commencé à réfléchir et à prendre position sur la question, ainsi que sur celles de l'intolérance et de la discrimination pour des motifs religieux[11].
D'autre part, le fait qu'en Europe, par exemple, la religion soit devenue un « sujet brûlant » n'est pas encourageant ; de même le fait que l'on perçoive une certaine timidité à entreprendre un dialogue réciproque sérieux, avec l'impression qu'il y a une certaine résistance à traiter de questions religieuses. Bien qu'on ne puisse pas parler de persécution, toutefois, sur le vieux continent aussi, il ne faut pas sous-estimer le phénomène assez inquiétant de l'intolérance de caractère religieux [12].
À cet égard, le Saint-Siège a toujours soutenu l'importance du respect de la liberté religieuse, qui doit être encouragée et non limitée. En effet, sur la base de cette liberté, comprise comme droit fondamental, des espaces de dialogue plus larges peuvent être créés, par exemple en impliquant diverses composantes religieuses et sociales : ceci favorise les conditions nécessaires pour construire des sociétés plus inclusives et stables. Il faut aussi rappeler que la religion fait partie de l'identité d'un pays, par conséquent l'État doit se préoccuper de maintenir et de respecter cette identité, en évitant qu'elle soit instrumentalisée à des fins politiques (avec le risque, par exemple, que cela donne naissance à des phénomènes ou des mouvements nationalistes radicaux basés sur l'identification confessionnelle). On en déduit que la religion peut jouer un rôle important pour améliorer la société, mais aussi pour la faire empirer, en donnant lieu à des phénomènes d'extrémisme et de radicalisme.
Les radicalismes et les fondamentalismes peuvent s'extirper si l'on intervient sur les racines qui les ont générés (facteurs religieux, politiques, économiques, culturels, militaires), parmi lesquelles il ne faut pas sous-évaluer les inquiétudes sociales. « L'extrémisme et le fondamentalisme trouvent », en effet, « un terrain fertile non seulement dans une instrumentalisation de la religion à des fins de pouvoir, mais aussi dans le vide d'idéaux et dans la perte d'identité – aussi religieuse – qui connote dramatiquement ce qu'on appelle l'Occident.[13] »
En outre, au niveau de la dimension religieuse, il est important de combattre l'ignorance, en confrontant aussi les différentes interprétations avec celle, authentique, de la foi que l'on professe, afin d'éviter des dérives extrémistes qui, « avant même de rejeter les êtres humains en perpétrant des massacres horribles, refuse[nt] Dieu lui-même, le reléguant au rang de pur prétexte idéologique »[14].  À ce sujet, le Saint-Père a redit que « seule une forme idéologique et déviée de la religion peut penser rendre justice au nom du Tout-Puissant, en massacrant délibérément des personnes sans défense »[15]. Dernier point, mais non le moindre, il faut rappeler que le mal-être social, l'injustice, l'inégalité sociale et, en particulier, la pauvreté constituent le berceau idéal où peuvent naître et s'enraciner les visions et les pratiques fondamentalistes.
En conclusion, il me semble tout à fait approprié de signaler que, outre les activités diplomatiques mentionnées auprès des institutions internationales et régionales, le Saint-Siège est fortement engagée dans la promotion, à différents niveaux, du dialogue interreligieux à travers le Conseil pontifical correspondant, dont la tâche principale est de : favoriser la compréhension mutuelle, le respect et la collaboration entre les catholiques et les adeptes d'autres traditions religieuses ; encourager l'étude des religions ; promouvoir la formation de personnes dédiées au dialogue. « Le dialogue, comme nous le savons, est un service nécessaire à l'humanité : ce n'est plus un choix. S'il est bien mené, avec amour et vérité, il est synonyme de compréhension réciproque, de respect, de paix et d'harmonie entre les différentes composantes d'une société, qu'elles soient ethniques, religieuses, culturelles ou politiques » [16].
A côté de cet instrument important, il ne faut pas oublier, enfin, la présence des œuvres et des nombreuses activités menées par les diverses institutions et les organismes de l'Église catholique à travers le monde, spécialement dans le domaine de l'éducation et de la santé, dont nous bénéficions tous, sans aucune distinction et dans le plein respect des diversités de chacun. C'est précisément la première forme de μαρτυρία [témoignage, puis martyre, ndlr] chrétien, qui jaillit de l'imitation du Seigneur Jésus dans la vie quotidienne, à travers le témoignage silencieux et simple de l'amour du prochain. Les quatre Missionnaires de la Charité tuées au Yémen nous en ont donné un témoignage tangible et dramatique « usque ad sanguinis effusionem » [jusqu'à l'effusion de leur sang, ndlr].
Chers amis,
Notre rencontre de ce jour se rapporte à la formation missionnaire, dans le contexte où nous vivons : on se demande alors quels instruments nous avons pour pouvoir faire face à ces situations. En tant que missionnaires, comment pouvons-nous continuer d'être des témoins fidèles de l'annonce chrétienne et en même temps vivre avec les fidèles d'autres confessions ?
Il me semble opportun de citer encore une fois à ce sujet le pape qui, avec une clarté tournée vers l'avenir, nous indique la voie maîtresse en nous invitant à ne « jamais renoncer à faire le bien, même quand c'est difficile et quand on subit des actes d'intolérance, ou même de vraie persécution »[17]. Et le Saint-Père nous redit encore que « dans un monde où diverses formes de tyrannie moderne tentent de supprimer la liberté religieuse, ou bien tentent de la réduire à une sous-culture sans droit de cité dans la sphère publique, ou encore tentent d'utiliser la religion comme prétexte à la haine et à la brutalité, il est impérieux que les adeptes des diverses traditions religieuses unissent leurs voix pour appeler à la paix, à la tolérance, au respect de la dignité et à tous les droits des autres »[18].
Pour conclure, je tiens à vous inviter tous à unir vos efforts en vue d'une plus grande coopération et solidarité en faveur des populations touchées par les guerres et pour tous ceux qui subissent toutes sortes d'oppression à cause de leur croyance religieuse. Notre proximité, en plus de notre prière, doit certainement se manifester dans notre générosité à vouloir contribuer à réduire l'urgence humanitaire pour soulager leurs souffrances matérielles et spirituelles.
Merci de votre attention.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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[8] Cf. Intervention à la Conférence internationale sur le thème « Responsabilité de protéger à la lumière de la morale et du droit », organisée par le Conseil pontifical Justice et Paix, par la Congrégation des évêques et par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, 28 octobre 2015. Cf. aussi mon intervention à l'ONU, au sein du Débat général : « Soixante-dixième anniversaire des Nations unies : Cap sur la paix, la sécurité et les droits de l'homme », 12 octobre 2014. [9] Pape François, Homélie en la Solennité des saints Pierre et Paul, 29 juin 2015. [10] Idem, Lettre à l'évêque auxiliaire de Jérusalem des Latins, vicaire patriarcal pour la Jordanie, sur la situation des réfugiés, 6 août 2015. [11] Cf. par ex. : Parlement européen, Résolution 2016/2529(RSP) sur l'extermination systématique des minorités religieuses par Isis, 4 février 2016 ; idem, Résolution sur les graves épisodes qui mettent en danger l'existence des communautés chrétiennes et d'autres communautés religieuses, 16 novembre 2007 ; Assemblée Parlementaire du Conseil d'Europe, Résolution 2036 (2015) sur « Combattre l'intolérance et la discrimination en Europe, en particulier à l'égard des chrétiens », Strasbourg, 29 janvier 2014 ; Déclaration du Conseiller particulier du Secrétaire général des Nations unies pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, et du Conseiller particulier du Secrétaire général des Nations unies sur la responsabilité de protéger, Mme Jennifer Welsh, au sujet de l'escalade de l'incitation à la violence en Syrie, pour des motifs religieux, New York, 13 octobre 2015. [12] À ce sujet, cf. Observatoire sur l'intolérance et la discrimination à l'encontre des chrétiens, Rapport sur l'année 2014, en anglais, in http://www.intoleranceagainstchristians.eu/fileadmin/user_upload/reports/Report_2014_Release_May_4th_2015.pdf ;
OSCE/ODIHR, 2014, Données sur les crimes haineux, in http://hatecrime.osce.org/taxonomy/term/231 ;
voir aussi mon intervention sur « Chrétiens en Europe – Différemment différents », donnée pendant la Conférence annuelle de l'Académie internationale pour le développement œcuménique et social intitulée : « Liberté religieuse, sécurité et développement en Europe », Rome, Palazzo Giustiniani, 3 octobre 2015.
[13] Pape François, Discours au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 11 janvier 2016. [14] Idem, Discours au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 12 janvier 2015. [15] Idem, Discours au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 11 janvier 2016. [16] Cardinal Jean-Louis Tauran, Intervention à la VIe Conférence de Doha sur le dialogue interreligieux, Doha, 13 mai 2008. [17] Pape François, Discours au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 13 janvier 2014. [18] Idem, Discours à la Rencontre pour la liberté religieuse avec la communauté hispanique et d'autres immigrés, Philadelphia, 26 septembre 2015.